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Je suis amoureux je n'ai donc plus d'inspiration alors un peu de culture.

"One, two, three o'clock, four o'clock, rock". L'hymne incontournable des surprises-parties et des rallyes d'antan, l'ouverture obligée du quart d'heure rock pendant les mariages. Rock Around the Clock, donc. Pour que le rock'n'roll passe de la curiosité musicale au phénomène de société, il fallut, en 1955, ces 2 minutes et 8 secondes frénétiques dues à Bill Haley & The Comets.
Il fallut surtout que cette jeune musique, encore artisanale, pactise avec une industrie, le cinéma d'Hollywood, en rencontrant une réalité sociale. Rock Around the Clock, enregistrée en 1954, doit son succès au film The Blackboard Jungle, de Richard Brooks, sorti un an après. Son titre français, Graine de violence, s'il s'octroie toutes les libertés de l'époque dans la traduction (littéralement Blackboard Jungle, c'est la "jungle du tableau noir"), restitue pourtant fidèlement le sujet du film, la délinquance juvénile sous la présidence d'Eisenhower. La même année 1955 que La Fureur de vivre (avec James Dean) et, peu après, L'Equipée sauvage (avec Marlon Brando).

Pour beaucoup, la fortune de Bill Haley et ses "Comètes" (apprécier le jeu de mots à la mawie) reste un mystère. Lorsqu'il enregistre Rock Around the Clock, à l'âge de 29 ans, le chanteur, né le 6 juillet 1925 à Highland Park (Michigan), ressemble plus à un placide père de famille qu'à un adolescent rebelle. Coluche avait même un jour méchamment moqué la parenté physique d'Haley avec le Jean-Marie Le Pen des années 1970, le bandeau en moins. Quant à son magnétisme sexuel, n'en parlons pas. Pour que le rock sème la panique sur ce terrain-là, il faudra attendre qu'Elvis Presley se déhanche.
A l'origine, Bill Haley est un "cow-boy chantant" de western swing, soit la musique country telle qu'on la pratique au Texas, et sa forme la plus proche du futur rock'n'roll. Son groupe s'appelle alors The Saddlemen ("les hommes en selle").

Si l'aura de Bill Haley n'égale pas celle d'Elvis Presley, de Jerry Lee Lewis et d'autres héros blancs du rock'n'roll, c'est aussi parce qu'il n'est pas issu des milieux pauvres et ruraux du Sud. Ses détracteurs n'auront de cesse de lui reprocher son opportunisme et d'avoir justement "blanchi" les musiques noires.

Oublié ou relégué au deuxième rang du panthéon - la plupart des dictionnaires spécialisés lui accordent au mieux une notule -, Bill Haley n'en est pas moins un pionnier au flair imparable. Il est ainsi le premier artiste blanc à reprendre Rocket 88 de Jackie Brenston et Ike Turner, chanson de 1951 et possible date de naissance du rock'n'roll.

Et le disc-jockey Alan Freed, ce fin connaisseur du rhythm'n'blues qui déteste les reprises que les Blancs en font, diffuse en boucle sa version de Rock The Joint, que Jimmy Preston a gravée en 1949.

En se débarrassant de leurs oripeaux country, chapeaux de cow-boys et pierres du Rhin, Bill Haley et ses Comets, ainsi baptisés début 1952, opèrent un changement symbolique. Avant tous les autres, les musiciens tentent de fusionner leur culture originelle et la vigueur du rhythm'n'blues. Mais le succès tardera.

Enregistrée le 12 avril 1954, (We're Gonna) Rock Around the Clock mettra près d'un an à s'imposer. Due à deux collaborateurs d'Haley, Max Freedman et Mike Myers, la chanson, écrite en 1953, a déjà été interprétée par un certain Sonny Dae, et rapidement oubliée.

Haley et ses comparses la gravent à la fin d'une session d'enregistrement, dans l'urgence. Malgré le solo de guitare vertigineux exécuté par Danny Cedrone, elle ne convainc pas leur producteur. Reléguée en face B de Thirteen Women, publié en mai 1954, elle est qualifiée de "fox-trot", ce qui la condamne d'avance.



C'est avec Shake, Rattle and Roll, de Big Joe Turner, dont les allusions sexuelles ont été gommées, qu'Haley obtient, un mois plus tard, son premier succès. Entre-temps, le fils de l'acteur Glenn Ford, qui joue dans Blackboard Junglele professeur en butte à l'indiscipline de ses élèves, s'est entiché de Rock Around the Clock. Et le cinéaste Richard Brooks recherche un tube potentiel pour son adaptation du roman d'Evan Hunter (soit Ed McBain, créateur de la série de romans policiers du 87e District).

Sauvée en mars 1955 par le film, Rock Around the Clock l'éclipse rapidement. La maison de disques Decca réédite aussitôt la chanson, cette fois sur la face A. Quatre mois plus tard, elle trône en première place des classements américains, qu'elle ne quittera pas pendant huit semaines, avant d'envahir l'Europe. Elle se serait écoulée à 25 millions d'exemplaires dans le monde. Haley n'atteindra plus jamais de pareilles cimes, malgré See You Later Alligator, en 1956.

Rock Around the Clock provoque la dislocation de son groupe, les musiciens s'estimant insuffisamment rétribués. Presley est arrivé entre-temps. Bill Haley mourra fou le 9 février 1981. Mais la liaison de Rock Around the Clock avec le cinéma est loin d'être terminée.

Dès 1956, Haley avait débuté à l'écran dans son propre rôle pour un long métrage qui porte son nom. Le colonel Parker, conscient de la puissance du septième art, décide aussi de lancer son poulain Elvis Presley dans une carrière d'acteur, qui deviendra l'essentiel de son activité dans les années 1960.

En 1973, la chanson revient en force sur les ondes radio grâce à George Lucas, qui lui a accordé une bonne place dans son film American Graffiti, ode aux débuts du rock'n'roll.
Dans l'immédiat, Rock Around the Clock et Blackboard Jungle lancent la vogue du rockabilly, l'imagerie des teddy boys et des blue suede shoes, des stations-service et des drive-in, des milk-shakes et des flippers. Ingrat, le rock trouvera rapidement des figures plus photogéniques et charismatiques que Bill Haley : l'estropié Gene Vincent, le rebelle Eddie Cochran ou le binoclard Buddy Holly, ancêtre de John Lennon et d'Elvis Costello. En mourant jeunes et brutalement (accidents de voiture et d'avion), les deux derniers sont aussitôt propulsés dans la légende du rock, oublieuse de Bill Haley et de ceux qu'on l'accuse, à tort, d'avoir pillés.

Bruno Lesprit et Sylvain Siclier

Commentaires

  • Je suis repérée à chaque fois que je viens... Ca fout les boules, lol...

  • Si j'appuie sur la touche "échap" je peux te désintégrer comme un vulgaire pigeon.

  • :-0 je suis fragile, attention à mon petit coeur!!!

  • t'es amoureux de qui? putain faut suivre

  • :((

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